Intéropérabilité

Un article de Droit et Informatique - Paris 8.

« Quiconque appose sur une page du web un logo du type: Cette page est optimisée pour le navigateur X est quelqu'un qui semble souhaiter revenir à l'époque préhistorique d'avant le web, lorsque l'on avait très peu de chances de pouvoir lire un document écrit sur un autre ordinateur, un autre traitement de texte, ou un autre réseau.».
- Tim Berners-Lee dans Technology Review, Juillet 1996

Qu'est-ce que l'interopérabilité ?

Dans son acception informatique : «  L'interopérabilité est le fait que plusieurs systèmes, qu'ils soient identiques ou radicalement différents, puissent communiquer sans ambiguïté et opérer ensemble. A et B seront dit interopérables si, grâce à une ou plusieurs norme(s) externe(s) qu'ils respectent, ils en viennent entre autre à pouvoir être compatibles. ».
L'interopérabilité pose donc la problématique du statut juridique des formats de fichiers, des mesures techniques de protection, des protocoles et du reverse engineering.
En effet, la nécessité d’interopérabilité justifie le contournement des mesures de protection des fichiers. Mais la notion même d’interopérabilité n'est pas, selon le Conseil Constitutinnel, définie en France par des termes clairs et précis (cf. réponse à la saisine du 7 juillet 2006 du parti socialiste qui suivit l'adoption de la loi DADVSI, rejetée par le Conseil Constitutionnel).

Références :

Définition de l'interopérabilité dans l'amendement 341 à la loi DADVSI rejeté par l'Assemblée

L'amendement 341 à la Loi DADVSI (Droits d'Auteurs et Droits Voisins dans la Société de l'Information) proposait la définition suivante :

«On entend par compatibilité la capacité de deux systèmes à communiquer sans ambiguïté. On entend par interopérabilité la capacité à rendre compatibles deux systèmes quelconques. L'interopérabilité nécessite que les informations nécessaires à sa mise en œuvre soient disponibles sous la forme de standards ouverts.»

Mais l'assemblée nationale a rejeté cet amendement.

Références : http://www.assemblee-nationale.fr/12/amendements/1206/120600341.asp http://www.april.org/articles/divers/retrospective-2006.html

Définition de l'interopérabilité dans la directive européenne 91/250/CEE du 14 mai 1991 La directive européenne 91/250/CEE du 14 mai 1991, concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur aborde l'interopérabilité en ces termes :

«Considérant qu'un programme d'ordinateur est appelé à communiquer et à opérer avec d'autres éléments d'un système informatique et avec des utilisateurs; que, à cet effet, un lien logique et, le cas échéant, physique d'interconnexion et d'interaction est nécessaire dans le but de permettre le plein fonctionnement de tous les éléments du logiciel et du matériel avec d'autres logiciels et matériels ainsi qu'avec les utilisateurs; considérant que cette interconnexion et interaction fonctionnelle sont communément appelées «interopérabilité »; que cette interopérabilité peut être définie comme étant la capacité d'échanger des informations et d'utiliser mutuellement les informations échangées.» Référence : http://www.apitux.org/index.php?2006/07/18/84-formats-ouverts-et-interoperabilite Le Conseil constitutionnel et l' interoperabilite Le conseil constitutionnel durcit les sanctions contre le P2P1, et interdit les contournements de mesure à des fins d'interopérabilité. Les modifications faites sur les articles 22 et 23, qui précisent que le détournement des fameuses mesures de protection (MTP) contre la copie est interdit. Le Parlement avait instauré une exception à cette interdiction, pour «les actes réalisés à des fins d'interopérabilité». C'est cette disposition qui a été censurée par le Conseil, jugeant «imprécise» la définition d'interopérabilité. Il est donc désormais interdit de détourner une MTP, même si c'est nécessaire pour pouvoir lire correctement un fichier légalement acheté. Le rejet des sanctions mesurées et graduées Le Conseil a aussi émis plusieurs «réserves d'interprétation». La principale concerne l'Autorité de régulation des mesures techniques, censée trancher les litiges sur l'interopérabilité entre plates-formes de distribution et éditeurs de DRM (gestion numérique des droits). Dans l'article 14, le texte précise que cette Autorité peut forcer un éditeur à fournir au requérant les informations nécessaires à l'interopérabilité.

Référence : http://www.zdnet.fr/actualites/internet/0,39020774,39362423,00.htm Les formats de fichiers A défaut d'une définition juridique précise de l'interopérabilité, la LCEN (loi n°2004-575 du 21 juin 2004) définit néanmoins ce qu'est un format ouvert. Formats ouverts et fermés Un format est dit ouvert lorsque toutes les spécifications concernant ce format sont accessibles librement et en totalité. L'article de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour «la confiance dans l'économie numérique», la LCEN, définit ainsi l'ouverture des formats: «On entend par standard ouvert tout protocole de communication, d'interconnexion ou d'échange et tout format de données interopérable et dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d'accès ni de mise en œuvre.» Référence: http://www.apitux.org/index.php?2006/07/18/84-formats-ouverts-et-interoperabilite

Un format est dit fermé ou propriétaire lorsqu'au contraire les spécifications du format ne sont pas disponibles, car conservées secrètes par l'auteur. Si l'accès aux spécifications est possible, mais payant, le format est aussi considéré comme fermé. Référence: http://thomas.enix.org/pub/ll-utbm/formats_ouverts/formats_ouverts.html Les enjeux des standards ouverts La société Microsoft, faisant usage de sa situation de monopole, a déjà donné dans une pratique visant à affaiblir les technologies multi plates-formes. La démarche de Microsoft consiste alors à "englober pour mieux étendre" les standards créés par les autres. Ce que craint Adobe, c'est que Microsoft n'entreprenne de fragmenter, voire de dégrader les standards existants et établis dans l'usage, y compris le PDF, tout en s'appuyant sur son monopole pour lancer des solutions alternatives qu'il contrôle. À long terme, ce genre de comportements débouche sur une réduction du choix laissé au consommateur. Référence: http://standblog.org/blog/post/2006/06/19/93114833-les-enjeux-des-standards-ouverts L'ISO Si l'interopérabilité peut être réalisée par l'usage d'une même norme, les organismes de normalisation jouent donc un rôle de premier plan dans l'interopérabilité, comme par exemple OASIS ou la norme ISO. L'Organisation internationale de normalisation est une fédération mondiale qui a été créée en 1947. Le développement de la normalisation est le premier objectif de l'ISO. Les négociations qui ont lieu au sein de cette organisation donnent naissance à des normes reconnues dans un très grand nombre de pays. Référence : http://www.interex.fr/serv/frame_dynamique.asp?url=/ATLAS/interex/method15.htm Un exemple de normalisation : le format ouvert Opendocument Le format OpenDocument a été adopté par l’OASIS (un consortium mondial qui travaille pour la normalisation et la standardisation de formats de fichiers ouverts) en mai 2005 mais c’est surtout sa reconnaissance par l’ISO le 1er mai 2006 qui a permis à un certain nombre d'Etats de recommander l'usage du format OpenDocument de la norme ISO 26300. C'est la raison pour laquelle les Etats du Massachusetts, Minnesota, Texas et bientôt la Californie aux Etats-Unis ont opté pour le format ODT en ce qu'il répondait aux critères suivants :

  1.  Interopérable avec diverses plateformes et applications internes et externes
  2. Publié et défini sans restrictions ni redevances (royalties)
  3. Implémenté par de nombreux éditeurs sur de multiples plateformes
  4. Contrôlé par une organisation industrielle ouverte, avec une procédure bien définie de l'évolution du standard

Référence : http://www.pcinpact.com/actu/news/34579-texas-minnesota-odf.htm Le référentiel général d'interopérabilité L’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 concernant les échanges électroniques entre administrations et entre administrations et usagers prévoyait un référentiel général d’interopérabilité (RGI) spécifiant les règles, normes et standards à utiliser, composé de trois volets  : organisationnel, sémantique et technique. Dans la partie technique, étaient définis les différents formats de fichiers recommandés, obligatoires et déconseillés. Pour la bureautique, par exemple, était recommandé d'utiliser des formats de document reposant sur l’utilisation d’XML et dont les spécifications sont publiques et libres de droit pour les échanges de documents bureautiques semi-structurés (traitement de texte, tableur, présentation) ; d'utiliser le format Open Document pour les échanges de documents bureautiques semi-structurés (traitement de texte, tableur, présentation) et obligatoire d’accepter tout document au format Open Document pour les échanges de documents bureautiques semi-structurés (traitement de texte, tableur, présentation). Il était de plus interdit de faire une migration depuis le format bureautique couramment utilisé par une organisation, vers un format autre que le format ouvert Open Document. Référence : http://www.pcinpact.com/actu/news/35044-referentiel-general-dinteroperabilite-RGI-fo2.htm Les raisons du blocage du Référentiel Général d'Interopérabilité (RGI). Mais le 1er avril 2007, surgissait un communiqué de presse des associations du logiciel libre indiquant : Les raisons du blocage du Référentiel Général d'Interopérabilité (RGI). Dans un communiqué, les associations "accusent" les constructeurs automobiles britanniques et BumperSoft d’exercer un lobbying actif pour donner le choix du sens de circulation à chacun dans l’Union européenne", réclamant que le RGI intègre cette modification sous couvert de libéralisation et d’ouverture du marché. Référence : http://www.toolinux.com/news/formats_ouverts_et_interoperabilite/des_raisons_du_blocage_du_referentiel_general_d_interoperabilite_ar8948.html Interoperabilité et reverse ingineering Qu'est ce que le reverse engineering ou la décompilation ? Il s'agit de désassembler (décompiler) un programme pour en comprendre le fonctionnement. Sur des logiciels, le reverse engineering sert aussi beaucoup à ré-implémenter des fonctionnalités propriétaires comme des protocoles ou des algorithmes. Mais c'est souvent dans le domaine de la sécurité que nous entendons parler le plus de reverse engineering. S'il peut être utilisé pour "cracker" un logiciel, il sert également à auditer un logiciel propriétaire ou analyser des malwares (virus et autres). Référence : http://www.supinfo-projects.com/fr/2006/reverse/

Qu'est ce que les DRM: Digital Rights Management ? Tout simplement, c'est la Gestion des droits numériques qui permet de protéger les droits de l'auteur d'un contenu numérique diffusé en ligne. Par exemple, dans le domaine musical, un système de DRM comprend un format spécial pour coder les morceaux et leurs titres ainsi qu'un ensemble de règles que les logiciels et matériels doivent respecter pour que la musique soit audible. Référence: http://www.journaldunet.com/encyclopedie/definition/358/35/20/gestion_des_droits_numeriques.html

Le cadre juridique de la décompilation

La décompilation trouve ses fondements juridiques au sein de l'article L. 122-6-1 du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) reflet des articles S et 6 de la directive européenne du 14 mai 1991. La décompilation n'est autorisée que si elle est «indispensable pour obtenir les informations nécessaires à l'interopérabilité d'un logiciel créé de façon indépendante avec d'autres logiciels ». Référence : http://www.supinfo-projects.com/fr/2006/reverse/

Par ailleurs, cette pratique qui consiste à extraire d'un logiciel des informations afin de le comprendre, l'améliorer, l'adapter ou le corriger n'est pas donné à tout le monde. La solution étant d'obliger un auteur de logiciel à fournir l'ensemble de la documentation permettant de comprendre un code-source, ainsi l'utilisateur expert pourra analyser et décompiler pour motif d'interopérabilité le code dont il dispose. Dans ce contexte, la commision europénne condanme la société Microsoft à fournir une documentation détailée sur son systéme d'exploitation Windows de manière à assurer l'interopérabilité et la concurrence loyale.


L'interopérabilité, un défi pour l'ARMT Les conditions de création de l'Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT) L'ARMT a été créée par la loi du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information. Elle a été installée officiellement par le ministre de la culture et de la communication Renaud Donnedieu de Vabres. Elle a pour mission de déterminer les modalités d’exercice de l’exception de copie privée, ainsi que les exceptions pour les personnes handicapées, pour l’enseignement et la recherche et pour la conservation dans les bibliothèques. D’autre part, l’Autorité pourra d'ordonner l’accès aux informations essentielles à l’interopérabilité des mesures techniques à tout éditeur de logiciel, à tout fabricant de système technique ou à tout exploitant de service afin de permettre au consommateur de lire les œuvres sur le support de son choix.

Référence : http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MCCX0300082L

Ainsi l'ARMT jouera le rôle « d'arbitre » mais un arbitre qui ne sera pas impartial. Quand on lit attentivement le décret sur l’ARMT, on se rend compte, qu'elle pourrait choisir les conditions de divulgation d'une œuvre en lieu et place de ses auteurs. En clair, elle pourrait imposer à un auteur de logiciel libre de fermer tout ou parti de son code source. C'est une atteinte au droit moral de divulgation de l'auteur. Pour en savoir plus par rapport aux conditions liées à la saisine et les recours contre les décisions de l'Autorité, vous pouvez visiter ce site: http://www.juriscom.net/actu/visu.php?ID=919

Peut-on avoir espoir à l'ARMT ? La Dadvsi a fait un sort particulier à l'interopérabilité en prévoyant que les MTP2 ne doivent pas contrarier la mise en oeuvre effective de l'interopérabilité dans le respect du droit d'auteur, tandis que le premier décret d'application sanctionne pénalement le détournement de telles mesures. Le Conseil constitutionnel avait censuré certaines dispositions du projet de loi obligeant à fournir les informations essentielles à l'interopérabilité. Il avait considéré que les auteurs et titulaires de droits ne pouvaient être expropriés de leur droit de propriété « inviolable et sacré » tout en conservant l'objectif d'interopérabilité. Référence : http://www.lesechos.fr/info/metiers/4535006.htm

Aprés la lecture de cet article, on peut bien conclure que si on souhaite obtenir des informations necessaires à l'interopérabilité, il faut s'adresser au juge de droit commun. Dans les faits, ce sera à l'ARMT de définir les contours de l'interopérabilité dans l'abcence de définition légale. Le texte de loi rédigé par les députés du PS est incompréhensible et le rend donc imprévisible. Mais comme, de toute manière, cette autorité ne concerne pas les auteurs de logiciels libres, ça ne change pas grand chose au bout du compte. De ce fait, la publication du code source est présumée licite, à charge pour le titulaire des droits sur la MTP de prouver le contraire, c'est-à-dire qu'elle "aurait pour effet de porter gravement atteinte à la sécurité et à l'efficacité de ladite mesure technique". Maintenant, cela n'aura pas de répercussions concrètes à mon avis, car l'ARMT est apparue pour contrer les dispositions en faveur de l'interopérabilité que l'AN3 avait adoptées, qui imposaient par principe la fourniture des informations essentielles à l'interopérabilité et qui permettaient aux auteurs de logiciels libres de procéder en toute sécurité juridique aux travaux de décompilation nécessaires à la réalisation d'un logiciel indépendant interopérant avec une MTP. L'ARMT ne s'adresse pas aux auteurs du logiciel libre, qui n'ont pas les moyens, ni juridiques ni financiers, d'avoir recours à cette autorité. Elle ne change rien au fait que cet article pourrait "inspirer" certains juges - comme certains rapports ont pu "inspirer" le Conseil Constitutionnel lorsqu'il a parlé de "propriété inviolable" à propos des informations essentielles à l'interopérabilité... Pour le reste, il faudra attendre que des décisions soient rendues pour savoir à peu près à quoi s'en tenir. Lexique ARMT (Autorité de régulation des mesures techniques)

Suite au vote de la loi DADVSI, l'Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT) a été officiellement instituée par la publication d'un décret daté du 4 avril au Journal Officiel daté du 5 avril. Celle-ci aura pour mission de fixer les limites du droit à la copie privée, comme le nombre de copies minimal à garantir. Elle est composée de six membres, nommés par décret pour une période de six ans :

1.Jean Musitelli, conseiller d'Etat. 2.Marie-Françoise Marais, conseillère à la Cour de Cassation 3.Patrick Bouquet, conseiller-maître à la Cour des comptes. 4.Pierre Sirinelli, membre du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. 5.Christian Saguez, président de la commission des Technologies de l'Information et de la Communication de l'Académie des Technologies. 6.Tristan d'Albis, président de la commission de la rémunération pour copie privée. L'ARMT se chargera de recevoir et de traiter les plaintes, émanant des consommateurs ou des associations qui les représentent, relatives aux mesures techniques de protection. C'est à elle qu'incombera la définition des exceptions de copie privée prévues par la loi DADVSI pour l'enseignement, la recherche, la conservation et l'accessibilité aux handicapés.

Réference : http://www.generationmp3.com/index.php/2007/04/10/5956-lautorite-de-regulation-des-mesures-techniques-officielle Source du droit : Décret n° 2007-510 du 4 avril 2007 relatif à l'Autorité de régulation des mesures techniques instituée par l'article L. 331-17 du code de la propriété intellectuelle : http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MCCB0700270D

Conseil constitutionnel Le Conseil constitutionnel est une institution française créée par la Constitution de la Cinquième République du 4 octobre 1958. Il veille à la régularité des principales élections et référendums. Il se prononce sur la conformité à la Constitution des lois et de certains règlements avant leur entrée en vigueur et intervient également dans certaines circonstances de la vie parlementaire et publique. Référence : http://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_constitutionnel_%28France%29 Directive européene La directive est un acte juridique communautaire pris par le Conseil de l’Union européenne seul ou avec le Parlement selon les cas. Les directives sont publiées au Journal officiel de l’Union européenne à la rubrique. Les directives entrent en vigueur à la date qu’elles fixent, ou à défaut le 20e jour suivant leur publication.

Référence: http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/union-europeenne/action/textes-juridiques/qu-est-ce-qu-directive.html